Session : La plante de cannabis : une source durable de molécules bioactives et de nouveaux pré- et post-biotiques d'importance nutritionnelle et médicale

Les acides gras oméga-3 soutiennent la santé cardiometabolique et réduisent l’inflammation chronique de faible intensité. Ces acides gras pourraient en partie exercer leurs bienfaits sur la santé en régulant l’endocannabinoidome et le microbiote intestinal, deux acteurs clés dans la régulation du métabolisme et de la réponse inflammatoire. Les graines de chanvre entières (Cannabis sativa) sont d’une valeur nutritionnelle exceptionnelle, étant particulièrement riches en acides gras oméga-3, en particulier en acide stéaridonique (SDA). La supplémentation d’un régime riche en graisses et en sucre avec des graines de chanvre entières n’a eu aucun impact sur la prise de poids, l’adiposité ou la consommation alimentaire, contrairement à la substitution par des graines de lin. De plus, la substitution par des graines de chanvre a atténué les augmentations induites par le régime en termes d’obésité, notamment en réduisant la perméabilité intestinale et les niveaux circulants de PAI-1, tout en n’ayant aucun effet sur les marqueurs inflammatoires dans le tissu adipeux épididymal, contrairement aux souris nourries avec des graines de lin. À noter que les graines de chanvre et de lin ont toutes deux la capacité de modifier l’expression de plusieurs gènes de l’endocannabinoidome et d’augmenter considérablement les niveaux de plusieurs lipides bioactifs dérivés des acides gras oméga-3 de l’endocannabinoidome, déjà connus pour leurs actions anti-inflammatoires, de manière spécifique aux tissus, malgré le niveau relativement faible de substitution des graines. De manière intéressante, l’incubation de préadipocytes et d’adipocytes avec du SDA a conduit à la production endogène de nouveaux lipides de l’endocannabinoidome, à savoir le 2-stéaridonoyl glycérol et la N-stéaridonoyléthanolamine (SDEA). Bien que ces composés n’aient pas modifié les niveaux de lipides dans les adipocytes, ils ont réduit les niveaux de lipides dans les hépatocytes, suggérant ainsi une activité lipolytique, en corrélation avec leur capacité à activer la transcription médiée par l’activateur alpha de la prolifération des peroxysomes (PPARA). De plus, grâce à un système de culture in vitro du microbiote intestinal humain, nous avons pu démontrer que l’huile riche en SDA modifie les populations bactériennes de manière spécifique à chaque hôte, ce qui entraîne la production de SDEA par les micro-organismes. Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les aliments contenant des graines de chanvre pourraient représenter une source de graisses saines, sans aggraver les conséquences métaboliques des régimes obésogènes. De plus, ces aliments pourraient avoir des effets protecteurs sur la perméabilité intestinale et des actions anti-inflammatoires partielles, probablement grâce à la production de lipides bioactifs de l’endocannabinoidome dérivés du SDA par les tissus hôtes et/ou le microbiote intestinal.

Le régime occidental, composé d’aliments hautement appétissants et caloriques (HPF), représente le principal stimulus environnemental déclencheur de comportements semblables à une dépendance et d’obésité en induisant une altération durable de la plasticité synaptique dans les circuits mésolimbiques dopaminergiques associés aux réponses de récompense. Des études menées chez les rongeurs et les êtres humains ont suggéré que le microbiote intestinal est modulé par l’alimentation et intervient dans le contrôle de la consommation et de la dépendance aux HPF. Ces effets sont en partie modulés par la signalisation de l’endocannabinoidome (eCBome), à la fois dans le cerveau et dans l’intestin. Des études sur les effets des phytocannabinoïdes et des molécules « endocannabinoid-like » sur l’intégrité morpho-fonctionnelle de la barrière intestinale et sur la neurogenèse centrale, ainsi que le rôle des médiateurs dérivés de l’acide oléique, la N-oléyl-glycine et la N-oléyl-alanine, sur la composition du microbiote intestinal chez les souris, seront présentées dans le but de discuter de nouvelles stratégies nutritionnelles visant à réduire les propriétés gratifiantes et obésogènes des HPF.

Les produits alimentaires dérivés du chanvre (Cannabis sativa subsp. sativa) dominent un secteur majeur du marché qui atteindra près de 5 milliards de dollars d’ici 2026. Les graines de chanvre sont considérées comme une source nutritionnelle intéressante, riche en fibres et en lipides insaturés. Au cours du processus de transformation, la partie externe de la graine est rejetée, bien qu’elle contienne une grande quantité de protéines. Ce matériau devrait être valorisé en produits à valeur ajoutée pour répondre à la demande de sources durables de protéines et réduire le gaspillage alimentaire. Le son des graines de chanvre a démontré des effets prébiotiques et une richesse en composés bioactifs, suggérant un potentiel en tant que produit alimentaire ou complément de fibres. Néanmoins, les informations sur les capacités fonctionnelles du son de graines de chanvre restent limitées et l’étude de son impact sur le microbiote du colon humain ouvrirait la voie vers une meilleure compréhension. En effet, le microbiote du côlon humain est le principal responsable de la digestion des fibres végétales et le seul pour la digestion des prébiotiques. Récemment, grâce à l’aide des omiques, la caractérisation précise du potentiel prébiotique du son de graines de chanvre et de son produit hydrolysé a été révélée. Les échantillons de son de graines de chanvre ont été comparés à un contrôle prébiotique positif, les fructooligosaccharides (FOS), après fermentation en utilisant un modèle de côlon in vitro. Pendant la fermentation, des analyses métabolomiques (SPME GC/MS) et microbiomiques (MiSeq et qPCR) ont été menées. Les résultats ont mis en évidence les propriétés fonctionnelles du son de graines de chanvre envers le microbiote colique humain par l’observation de certains indicateurs écologiques. Par exemple, le son de graines de chanvre produit des acides gras organiques bénéfiques, tels que les acides à chaîne moyenne, considérés comme un indicateur d’eubiose colique, réduit les dérivés phénoliques plus nuisibles, tels que le p-crésol, considéré comme un indicateur d’une fermentation protéolytique négative, et produit des molécules bioactives comme le 4-terpinéol, un terpène antioxydant puissant. En ce qui concerne le microbiote, le son de graines de chanvre favorise la croissance de bactéries bénéfiques telles que Bifidobacterium bifidum et limite les bactéries opportunistes telles que Bilophila wadsworthia, qui induisent généralement la dysbiose par la réduction des sulfates et la formation de H2S. Les résultats obtenus ont mis en évidence la fonctionnalité et la sécurité du son de graines de chanvre envers le microbiote colique humain grâce à une approche de modèle de côlon in vitro. Jusqu’à présent, en suivant les principes de OneHealth et des 3R, il est possible de valoriser un sous-produit en tant que source de protéines durable et de contribuer à la réduction des tests sur les animaux dans les sciences de l’alimentation.

Le cannabis est largement utilisé à des fins médicinales et récréatives, cependant, il existe un manque de compréhension de ses effets sur la physiologie humaine, les résultats médicaux, et des préoccupations concernant la cohérence et la reproductibilité des produits dérivés. Ces préoccupations sont principalement dues à la complexité chimique inhérente à un organisme biologique. Ce qui rend les extraits de la plante entière encore plus difficiles à maîtriser, c’est qu’ils sont non seulement chimiquement complexes, mais aussi chimiquement variables. Cette variation est due à une combinaison de l’origine génétique de la plante ainsi qu’à l’environnement dans lequel elle est cultivée. Afin de produire des extraits reproductibles et uniformes, il est essentiel qu’ils proviennent de plantes génétiquement stables cultivées dans des conditions uniformes. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il sera possible de mener des évaluations précliniques et cliniques pour comprendre pleinement ces interactions complexes et les résultats biologiques. Dans cette présentation, je vais parler de notre processus pour développer des plantes de cannabis uniformes et génétiquement stables.

Introduction : Les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) sont associées à des altérations de divers membres de l’endocannabinoidome (eCBome) et du microbiote intestinal, tous deux présentant un potentiel thérapeutique pour le traitement de l’inflammation et des troubles associés aux MII, tels que la colite ulcéreuse. L’endocannabinoidome et le microbiote intestinal sont fortement influencés par l’alimentation et peuvent donc être ciblés avec des compléments nutritionnels.

Méthodes : Nous avons évalué les effets de : 1) une formulation de complément nutritionnel (Form) composée d’un mélange exclusif d’extraits de plantes cannabimimétiques (produit par Silicycle Inc.), ou 2) d’huile de poisson riche en acides gras oméga-3 (FO) ou d’huile de phoque (SO), sur le développement de l’inflammation, de la perméabilité intestinale, de l’anxiété, du microbiote intestinal et de l’eCBome du côlon dans un modèle modèle de colite chez la souris induite par le sulfate de dextrane de sodium (DSS). Les souris ont été prétraitées avec les compléments pendant 2 semaines avant l’induction d’un protocole de traitement au DSS de 5 jours ; des évaluations comportementales ont été réalisées 7 et 8 jours après le début du DSS, et les souris ont été sacrifiées, et des échantillons ont été prélevés le 9e jour.

Résultats et conclusions : Le ciblage de l’eCBome avec un mélange exclusif d’extraits de plantes cannabimimétiques ou d’huile de phoque riche en acides gras oméga-3 a entraîné une amélioration significative de la perméabilité intestinale chez les souris traitées au DSS, la formulation améliorant également certains signes spécifiques de comportement anxieux. La colite induite par le DSS a modifié la communauté bactérienne colique, et bien qu’aucun des traitements n’ait affecté significativement cela, des changements dans des taxons spécifiques ont été observés. Tous les traitements, mais particulièrement l’administration d’huiles, ont entraîné l’inhibition de l’augmentation induite par le DSS de l’abondance de la famille Eryspelatoclostridiaceae et de la diminution de l’abondance du genre Family XIII UCG001, des altérations associées à la colite. Les diminutions induites par le DSS des niveaux d’AEA et les augmentations des niveaux de 2-AG dans les colons des souris ont été inhibées par la formulation cannabimimétique mais pas par les huiles riches en acides gras oméga-3, suggérant que la modification des niveaux classiques d’endocannabinoïdes pourrait être un mécanisme par lequel la formulation a amélioré les paramètres physiologiques et comportementaux indiqués ci-dessus. En revanche, FO et SO ont augmenté les niveaux de PGE3 dérivés de l’EPA, suggérant que les améliorations de la perméabilité de la barrière intestinale médiées par FO et SO pourraient être liées à cette prostaglandine anti-inflammatoire. Les effets de ces traitements sur l’inflammation colique, les niveaux d’eCBome plasmatiques et cérébraux, ainsi que les marqueurs d’inflammation, sont en cours d’étude.

Malgré la longue histoire de la culture du cannabis, l’industrie doit relever de nombreux défis réglementaires et pratiques uniques dans la culture et l’utilisation de cette plante. La vaste gamme de variétés cultivées, notamment les plus récentes destinées au marché récréatif, ainsi que celles produisant des cannabinoïdes non euphorisants, impose aux cultivateurs et aux acteurs intéressés par le développement de produits alimentaires, nutraceutiques et pharmaceutiques à devoir faire des choix déterminants quant aux variétés à privilégier. L’un de ces choix cruciaux consiste à prendre en considération la manière dont la variété de phytocannabinoïdes bioactifs produits par une plante interagit avec le corps humain, notamment en influençant notre propre « système de signalisation cannabinoïde endogène », à savoir le système endocannabinoïde. Ce panel d’experts de l’industrie partagera son point de vue et ses perspectives sur les réalités du travail avec le cannabis.